Le 11 juillet 2023, représentants des employeurs territoriaux et organisations syndicales ont signé un accord national historique apportant des avancées importantes pour les agents. Une première qui constitue une étape marquante dans la réforme de la protection sociale territoriale (PSC). Explications.
En juillet 2022, représentants des employeurs territoriaux et organisations syndicales signaient un accord de méthode, déjà considéré comme historique parce qu’inédit. Objectif : aller plus loin dans la réforme de la PSC des 1,9 millions agents territoriaux organisée par l’ordonnance du 17 février 2021 et le décret du 20 avril 2022. Après de longs mois de négociations ardues, c’est chose faite avec l’accord du 11 juillet 2023, premier accord conclu au niveau national entre une majorité des membres de la Coordination des employeurs territoriaux et six organisations syndicales.
Une meilleure prise en charge de la prévoyance
L’une des avancées majeures de cet accord concerne le volet prévoyance. Il garantit en effet aux agents en situation de maladie ou d’invalidité dépassant trois mois, le maintien de 90 % de leur rémunération nette incluant le traitement indiciaire, la nouvelle bonification indiciaire et le régime indemnitaire. Cette couverture interviendra dans le cadre de contrats collectifs à adhésion obligatoire dont la cotisation sera partagée à parts égales entre la collectivité et l’agent. L’accord prévoit également une augmentation de la participation des employeurs que le décret de 2022 avait fixé à 20 % d’un montant de référence de 35 euros par mois (7 euros par mois) et qui était jugée trop faible pour permettre aux agents de faire face aux accidents de la vie. L’accord prévoit ainsi une participation minimum de 50 %, non plus d’un montant de référence, mais du montant la cotisation prévoyance.
Pour une solidarité renforcée
Les signataires ont par ailleurs souhaité encadrer les pratiques contractuelles des opérateurs de PSC afin de ne plus avoir de traitements différenciés des agents et donc de favoriser la solidarité entre les bénéficiaires.
Autre mesure importante de cet accord : la mise en place d’un Fonds national de solidarité, instauré au bénéfice des agents actifs et des retraités. Il est prévu de le financer par un prélèvement de 2% sur les cotisations dans le cadre de contrats de complémentaire santé subventionnés par les employeurs territoriaux. Il fera l’objet des discussions à venir dans le cadre du dispositif de revoyure, les parties prenantes s’étant engagées à se rencontrer à nouveau à partir du premier semestre 2024. La couverture santé sera également au coeur de ces discussions. En la matière, l’accord prévoit de limiter les écarts de cotisation en plafonnant la cotisation la plus élevée au double de la cotisation la plus faible, le ratio de solidarité étant actuellement de 1 pour 3. Une proposition qui a été accueillie défavorablement par les Mutuelles dont l’Union Mutame (cf entretien de Daniel Lemenuel).
Cet accord national qui, de l’avis de tous, constitue une véritable avancée sociale, doit à présent être transposé par l’État par voie législative et réglementaire, les signataires appelant à ce que cela se fasse dans un délai de six mois maximum. Un impératif pour pouvoir engager le dialogue social au niveau territorial.
Entretien avec Daniel Lemenuel, président de l’Union Mutame
« Avec cet accord, les agents les plus fragiles sont pris en considération et c’est une très grande satisfaction »
En quoi cet accord du 11 juillet 2023 est historique ?
« Cet accord national est historique puisqu’il conforte le décret de 2011 et l’améliore en ce sens qu’il apporte une couverture prévoyance et lui confère un caractère obligatoire dans le cadre de contrats collectifs. La réforme de la PSC, avec la participation obligatoire des employeurs en santé et donc en prévoyance, est une avancée considérable qui va garantir une prise en charge des problématiques de santé des agents territoriaux et avec cet accord, de l’invalidité. Ce qui n’est d’ailleurs pas fait pour l’État. De voir que les agents territoriaux les plus fragiles sont pris en considération, est, pour moi, une très grande satisfaction. Cela leur garantit en effet un revenu si jamais demain ils sont malades, en invalidité et même en retraite pour invalidité. D’autant qu’avec l’allongement du temps de travail, plus on avance en âge, plus on est exposé à des problématiques physiques et psychiques.
Quelles sont les avancées de cet accord ?
Avec ce côté obligatoire dans le cadre de contrats collectifs, nous aurons une large couverture de population assurée de façon à pouvoir renforcer la solidarité, mieux mutualiser le risque, mais aussi garantir une cotisation moyenne constante. Le fait de passer à 50 % de participation en prévoyance est primordial. C’est un effort que l’on demande aux collectivités, à l’agent et de facto aux organismes de couverture prévoyance, notamment les mutuelles. Mais cela va permettre aux organismes d’apporter de meilleures prestations, aux agents de se financer une meilleure couverture et à ceux qui n’en ont pas vraiment les moyens, d’en avoir une. Ils devront cotiser mais avec une cotisation heureusement réduite, les employeurs prenant en charge au minimum 50 %. C’est là que le dialogue social et les accords définis au niveau du territoire seront importants, puisque c’est un minimum.
Avez-vous des réserves ?
La proposition de passer d’un ratio de 1 pour 2 est presque intenable. Cette proposition impacte la cotisation à la hausse. Avec un coût qui sera plus élevé, les jeunes seront directement pénalisés. Ils iront vers des contrats moins chers ce qui finirait par augmenter la cotisation des retraité(e)s, ou bien ils choisiront de ne pas adhérer. Et s’il n’adhèrent pas, il n’y a plus de solidarité. Les mutuelles au sein de la Coordination s’y opposent.
Avec un accord de 22 pages, on voit bien que les rédacteurs ont essayé d’apporter le maximum de précisions, mais attention à ce qu’il ne soit pas dévoyé et que certains organismes ne profitent de coquilles ou de dispositions fragiles pour faire des offres malhonnêtes. Il nous faut donc être attentifs ! C’est un accord encourageant et très positif mais il reste encore à venir sa mise en œuvre juridique, réglementaire et législative, en espérant que l’État ne le remette pas en cause. »