La voix humaine, bien plus qu’un simple vecteur de communication, peut révéler des informations précieuses sur l’état de santé d’un patient. Grâce aux avancées de l’intelligence artificielle, des programmes de recherche tentent d’utiliser les biomarqueurs vocaux pour diagnostiquer des maladies telles que la dépression ou le diabète, avec des résultats prometteurs.
Notre façon de parler renferme de précieux indices sur notre état de santé. Que ce soit une articulation affaiblie, une fréquence de voix modifiée, ou encore un débit plus lent, ces caractéristiques vocales peuvent être des marqueurs de différentes pathologies. Notre cerveau sait d’ailleurs les analyser, de manière inconsciente, pour déduire l’humeur ou l’état de santé de notre interlocuteur. On distingue deux types de marqueurs vocaux : les paramètres acoustiques, comme la fréquence et l’énergie de la voix, et des paramètres prosodiques, tels que la durée des voyelles, la vitesse d’élocution ou la longueur des pauses. Ainsi, une voix tremblante ou affaiblie peut indiquer de la fatigue, de l’anxiété ou même des maladies plus graves.
Les maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, affectent souvent la manière de parler : la voix peut devenir plus monotone, l’articulation moins précise, et le débit plus lent. De même, les troubles psychiatriques, tels que la dépression, peuvent se manifester par une voix plus plate, un rythme ralenti et une énergie vocale diminuée. Les symptômes peuvent sembler subtils, mais cumulés, ils tracent un tableau clair d’une possible pathologie. Et pour cela, aujourd’hui, l’IA montre tout son potentiel. En effet, l’intelligence artificielle a prouvé qu’elle était capable de capter et d’analyser ces détails avec une précision bien supérieure à celle de l’oreille humaine. De quoi rendre possible un diagnostic précoce et une meilleure prise en charge des patients.
Une IA capable de détecter le diabète
Parmi les études prometteuses se trouve Colive Voice, lancée en 2020 à l’Institut de la santé du Luxembourg, par un groupe de chercheurs internationaux. Elle utilise l’intelligence artificielle pour analyser ces biomarqueurs vocaux. Son objectif est de développer des outils capables de détecter des maladies neurodégénératives, des maladies cardiovasculaires, et même certains types de cancer, dès les premiers stades. L’algorithme, en analysant des enregistrements vocaux, repère des anomalies vocales spécifiques, ce qui aide au suivi des patients. Si l’étude est encore à sa phase de test, les résultats préliminaires sont prometteurs, notamment dans la détection du diabète. L’algorithme parvient en effet à distinguer le diabète de type 1 et celui de type 2. Pour améliorer encore la précision des diagnostics, les chercheurs encouragent la participation du public : toute personne, malade ou non, peut contribuer à l’étude en soumettant des enregistrements vocaux sur le site.
Détecter la dépression à travers la voix
En Chine, des chercheurs sont allés plus loin en explorant un tout autre domaine : utiliser l’IA pour détecter les problèmes de santé mentale. Une étude menée par le Jinhua Advanced Research Institute et l’Université technologique de Harbin a développé un algorithme d’apprentissage capable de détecter des signes de dépression simplement avec la voix. Pour cette étude, les patients ont été interrogés par un agent virtuel sur leur humeur et leur vie personnelle, pendant que l’intelligence artificielle analysait des indicateurs verbaux et non verbaux de la dépression. Les résultats ont été publiés dans la revue Mobile Network and Applications le 26 juin 2023 : l’algorithme a identifié correctement des cas de dépression chez 87 % des hommes et 87,5 % des femmes participantes. Des chiffres qui montrent le potentiel de cet outil pour transformer l’évaluation de la santé mentale.
Justine Ferrari