L’introduction en France, dès le début avril 2024, du test sanguin myEDIT-B, marque un tournant potentiel dans le diagnostic des troubles bipolaires, un trouble psychique souvent mal identifié et souvent confondu avec la dépression. On fait le point sur cette innovation diagnostique dans notre nouvelle revue de presse.
Une innovation attendue dans le diagnostic de la bipolarité
Ce test, développé par la société biopharmaceutique française Alcediag en collaboration avec le réseau de laboratoires Synlab, promet avec une fiabilité annoncée supérieure à 80%, de distinguer la bipolarité des épisodes dépressifs caractérisés, une distinction cruciale pour le traitement et la prise en charge des patient(e)s.
Avec un coût de 899 € non pris en charge par la Sécurité sociale, myEDIT-B s’appuie sur une analyse de l’ARN et l’usage de l’intelligence artificielle pour détecter des biomarqueurs sanguins spécifiques à la bipolarité. Selon les promoteurs du test, cette avancée pourrait significativement réduire les délais d’errance diagnostique, actuellement estimés à huit à dix ans en moyenne, période durant laquelle les patient(e)s peuvent subir des traitements inappropriés, exacerbant potentiellement leur condition.
Controverses et critiques : un consensus scientifique en attente
Malgré l’optimisme de certain(e)s, le test ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique et médicale. La Professeure Emilie Olié, présidente de l’Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie (AFPBN), tempère les attentes en soulignant qu’à ce jour, aucun test ne répond aux critères pour un usage en pratique clinique courante. L’AFPBN elle-même ne recommande pas la prescription de ces tests dans l’état actuel des connaissances, pointant du doigt une possible précipitation dans l’adoption de telles technologies sans validation clinique suffisante.
Cette mise en garde résonne dans un contexte où les coûts non négligeables et l’absence de remboursement par la Sécurité sociale posent question quant à l’accessibilité et l’équité dans le diagnostic de la bipolarité. En outre, d’autres pistes de recherche sont explorées, telles que les travaux du Professeur Raoul Belzeaux sur les cytokines (substances élaborées par le système immunitaire, réglant la prolifération de cellules), offrant une perspective moins onéreuse et peut-être tout aussi prometteuse.
Vers un avenir plus clair dans le diagnostic de la bipolarité ?
L’arrivée de myEDIT-B en France s’inscrit dans un mouvement plus large visant à améliorer le diagnostic et le traitement des troubles bipolaires, maladie complexe aux répercussions profondes sur la vie des patient(e)s. Si le débat scientifique et éthique autour du test sanguin persiste, cet événement marque sans doute une étape importante dans la reconnaissance et la gestion de la bipolarité.
Parallèlement, des initiatives moins technologiques, comme l’outil de détection précoce des troubles bipolaires proposé par l’association PositiveMinders, rappellent l’importance de la sensibilisation et de l’approche clinique dans le diagnostic des troubles psychiques. Alors que le chemin vers un consensus scientifique et une application clinique large du test myEDIT-B reste semé d’embûches, cet épisode illustre la recherche continue d’améliorations dans le domaine de la psychiatrie, avec l’espoir qu’un jour, les patient(e)s souffrant de bipolarité puissent bénéficier d’un diagnostic plus rapide et plus précis, menant à une prise en charge plus adaptée et efficace.
Julia Rodriguez