Selon l’Organisation mondiale de la santé, une majorité écrasante de Français(es), soit 71 %, ont déjà exploré l’univers des pratiques de soins non conventionnelles, témoignant d’un engouement qui ne cesse de croître. Cette quête d’alternatives à la médecine conventionnelle est devenue une préférence pour environ un cinquième de la population française, révélant un phénomène de société profond. Toutefois, cette tendance n’est pas sans risque. Nous avions déjà abordé le sujet précédemment, cette fois-ci nous vous livrons le regard d’un sociologue sur le sujet, dans cette nouvelle revue de presse.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins alerte sur une augmentation préoccupante des dérives thérapeutiques associées à ces pratiques de soins non conventionnelles. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) confirme cette inquiétude en signalant que 70 % des dérives dans le domaine de la santé en France concernent justement ces soins alternatifs.
Jean Viard, sociologue : comprendre le tournant vers les soins non conventionnels
Dans une société en quête de sens et de bien-être, les Français(es) se tournent de plus en plus vers les soins dits non conventionnels. Jean Viard, sociologue, offre un éclairage sur ce phénomène, soulignant que « la science n’est pas tout » et que « l’âme a toujours été un vrai sujet ». Cette recherche d’empathie et de compétence technique, autrefois adressée aux confesseurs ou aux sorcières, trouve aujourd’hui sa place dans les médecines alternatives. Jean Viard remarque que l’essor de ces pratiques est en partie dû à un éloignement de la médecine conventionnelle du corps du/de la patient(e) et à une société qui valorise le naturel, l’écoute et l’attention portée au corps. Le besoin de retisser le lien avec la nature et l’évolution de notre société dans « un monde où on fait beaucoup plus attention à son corps parce que notre corps est moins un objet de travail mais un objet de rencontre, de séduction », sont des éléments qui façonnent notre vision de la science d’aujourd’hui et parfois génèrent du rejet ou du scepticisme.
Il pointe également l’influence d’un mouvement sociétal vers la nature et la lenteur, reflété dans la géographie française par une concentration de professionnel(le)s de soins alternatifs dans des régions comme la Haute-Provence et le Haut-Var. Cette concentration géographique s’explique également par la présence de personnes, sur ces territoires, « qui, après 68, se sont opposées à l’Etat, à la ville, à la technologie, elles sont allées vivre autre chose, y compris ce nouveau rapport au corps et aux soins. »
Il met en garde contre les risques de dérives sectaires, tout en soulignant la complémentarité potentielle entre médecines conventionnelles et alternatives. Il insiste sur le fait que, bien utilisées, ces dernières « aident à vivre » mais ne doivent pas se substituer à la médecine fondamentale. « On a besoin des deux pour faire humanité », affirme-t-il, rappelant l’importance de rester vigilant(e) face aux promesses de guérisons miraculeuses qui éloignent les patient(e)s des traitements conventionnels nécessaires. La loi récemment adoptée contre les dérives sectaires souligne la nécessité d’un cadre sécuritaire pour protéger les patient(e)s tout en permettant une exploration saine des soins alternatifs.
Julia Rodriguez
Constance Perrin