La perte d’odorat, appelée aussi anosmie, est un symptôme fréquent et spécifique de la Covid-19 qui peut durer plusieurs semaines voire plusieurs mois. Pour retrouver peu à peu des sensations, les malades peuvent pratiquer des exercices de rééducation.
L’épidémie de Covid-19 a mis en exergue l’importance de l’odorat, un sens précieux dans la vie de tous les jours. Un des symptômes caractéristiques de cette maladie est en effet la perte d’odorat (anosmie), associée le plus souvent à une perte de goût (agueusie). « La spécificité avec la Covid-19 est que ce symptôme survient de façon soudaine, parfois de manière isolée, et qu’il ne s’accompagne pas d’un nez bouché ou qui coule », constate le docteur Émilie Béquignon, oto-rhino-laryngologiste (ORL), experte en rhinologie et membre de la Société française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou (SFORL). Si, généralement, la récupération intervient dans les quinze jours à un mois, parfois l’attente est longue et il faut patienter plusieurs mois pour sentir à nouveau. Pour ces patients, la rééducation olfactive fait partie des solutions envisagées.
Réapprendre à sentir après la perte d’odorat
« Elle est déjà utilisée dans les anosmies post-virales et ses bénéfices ont été prouvés, précise Émilie Béquignon. D’après les études, la récupération est possible jusqu’à deux ans après l’infection par un virus. Pour ce qui est de la Covid-19, nous n’avons pas encore assez de recul et de preuves scientifiques, mais nous avons bon espoir que cela fonctionne. » Le principe de la rééducation est simple : « Nous conseillons au patient d’acheter en pharmacie quatre huiles essentielles différentes, avec des odeurs fortes, détaille la spécialiste. Cela peut être de l’huile essentielle de rose, d’eucalyptus, de citronnelle et de clou de girofle par exemple. Durant cinq minutes, chaque matin et chaque soir, la personne va regarder le flacon et lire le nom du produit avant de sentir en inspirant profondément. Il ne s’agit pas de deviner quelle est l’odeur que l’on sent mais bien de prendre le temps d’associer les informations pour rééduquer le système olfactif et réapprendre progressivement à sentir. » Le processus est long : la rééducation est prescrite pour une durée de douze semaines et peut être prolongée. « Parfois les personnes ont une sensation de parosmie, ils ne sentent pas l’odeur habituelle, constate le docteur Béquignon. Une patiente avait par exemple l’impression que son café sentait le haricot vert. D’autres sentent une odeur d’essence qui n’est pourtant pas présente, c’est ce que l’on appelle une phantosmie. Tous ces phénomènes étranges peuvent être perturbants, mais ils sont le signe que l’odorat revient petit à petit. »
Un processus olfactif perturbé
En dehors de l’épidémie actuelle, « la perte d’odorat due à un rhume est banale », indique Émilie Béquignon. Elle peut aussi apparaître suite à une sinusite chronique, à un traumatisme crânien ou à une maladie neurodégénérative. La perte d’odorat est le signe que le processus olfactif est perturbé ou empêché. « Quand on perçoit une odeur, ce sont en fait des molécules odorantes qui pénètrent dans le nez, explique le docteur Béquignon. Elles atteignent ensuite le toit de la cavité nasale, les fentes olfactives, dont la surface de la muqueuse est de 2 à 3 cm2 – à titre de comparaison, elle est dix à cent fois plus importante chez le chien. Là, des millions de neurones olfactifs spécialisés captent ces molécules qui vont transmettre un influx nerveux vers le bulbe olfactif, dans la région préfrontale du cerveau, qui va traiter l’information et reconnaître l’odeur. » Selon les cas, soit les molécules odorantes sont bloquées par un obstacle et n’atteignent pas la muqueuse olfactive, soit il y a un trouble neurosensoriel : l’odeur est captée mais l’information n’est pas correctement transmise au cerveau. « Lors de la phase aiguë de la Covid-19, on peut observer une réaction inflammatoire de la fente olfactive qui va empêcher de capter les odeurs, indique l’ORL. Si l’anosmie persiste sur le long terme, une atteinte du neuroépithélium olfactif – la muqueuse de la cavité nasale – est alors très vraisemblable. Mais heureusement, les neurones olfactifs sont capables de se régénérer tous les deux à trois mois. Grâce à la plasticité cérébrale et à l’entraînement, les patients peuvent espérer retrouver l’odorat. »