Composé du grec « ortho » (droiture) et « orexie » (appétit), le terme a été inventé par le médecin américain Steven Bratman en 1996. Il désigne une obsession pathologique pour la nourriture dite « saine ».
Impossible à chiffrer, l’orthodoxie toucherait entre 2 et 3 % des Français et serait en constante augmentation. En cause, selon les spécialistes : les scandales alimentaires à répétition, couplés à une baisse de la qualité nutritionnelle dans nos assiettes. À la différence de l’anorexie ou de la boulimie, l’orthodoxie n’est pas répertoriée en tant que maladie ou TCA (trouble du comportement alimentaire) dans le DSM-5, la bible des troubles mentaux. Conséquence : il n’existe pas à l’heure actuelle de critère de diagnostic formel. Seuls deux tests, celui de Bratman et l’échelle ORTO-15, comptant une dizaine de questions (« Passez-vous plus de 3 heures par jour à penser à votre régime alimentaire ? », « Votre amour propre est-il renforcé par votre volonté de manger sain ? » ou « Planifiez-vous vos repas plusieurs jours à l’avance ? » ) permettent de déceler d’éventuels symptômes. Mais ils restent très peu connus du corps médical.
Les signes qui doivent alerter
Faute de diagnostic, comment dès lors distinguer une attitude alimentaire saine d’une réelle pathologie ? Pour les experts, la réponse est claire. « La différence se situe dans l’impact sur la qualité de vie et les relations interpersonnelles », explique le Pr Patrick Denoux auteur de Pourquoi cette peur au ventre ? (éditions J.-C. Lattès). « Chez les orthorexiques, la restriction va de pair avec l’isolement social. Il devient impossible de partager un repas avec autrui. » Le décryptage compulsif des étiquettes, la mastication excessive, le rejet de catégories entières d’aliments sont des comportements qui doivent alerter. Tout comme une perte de poids importante et soudaine, pouvant entraîner des carences, voire une dénutrition dans des cas extrêmes.
Comment s’en sortir ?
Comme pour tout trouble du comportement alimentaire, la prise en charge de l’orthorexie a pour objectif de retrouver une relation apaisée avec la nourriture. L’accompagnement passe par un suivi pluridisciplinaire avec un diététicien ou un médecin spécialisé en nutrition et une thérapie visant à réduire l’anxiété. « Le traitement le plus adapté s’avère une psychothérapie adaptée aux TCA ou aux troubles obsessionnels », préconise Alexandre Chapy, psychologue spécialiste de l’orthorexie. « Il s’agit de travailler sur l’angoisse, le besoin de contrôle, la crainte de la maladie et de la mort ou encore l’estime de soi. Le plus important est de comprendre comment la maladie s’est installée dans la vie du patient », poursuit l’expert. Les thérapies de groupe et les thérapies familiales donnent également de bons résultats.
Magalie H., 38 ans : une vie après l’orthorexie
« Je souffre de douleurs intestinales. À la suite d’un épisode grave de constipation, un nutritionniste m’a prescrit un régime pauvre en Fodmaps (les glucides fermentescibles indigestes, NDLR). J’ai commencé par éliminer les céréales puis les laitages, le sucre, les viandes et toutes les graisses… Je suis devenue végétalienne puis crudivore et enfin frugivore : je ne me nourrissais plus que de jus de fruits pressés à la centrifugeuse, persuadée que c’était le régime le plus adapté à l’être humain dont l’appareil digestif est proche de celui des primates. J’avais perdu beaucoup de poids. J’étais anémiée et épuisée en permanence. Le déclic a été quand j’ai commencé à perdre mes cheveux. J’ai pris conscience que j’étais malade, incapable de ressentir du plaisir en mangeant et j’ai consulté un thérapeute. Aujourd’hui, je vais mieux. J’ai repris du poids. Mais il y a encore des aliments que je ne m’autorise pas à manger. C’est un chemin long et difficile. »