Associant thérapie génique et ondes lumineuses, l’optogénétique a permis à un patient atteint de cécité de retrouver partiellement la vue. Une première médicale française très prometteuse.
Domaine de recherche et d’application, développé depuis 2006, l’optogénétique a un grand avenir devant lui. « Il s’agit d’une stratégie permettant de rendre des cellules sensibles à la lumière pour en prendre le contrôle fonctionnel par la stimulation lumineuse. Cette sensibilisation lumineuse de la cellule est réalisée grâce à une opsine (une protéine qui réagit à l’énergie lumineuse) qui peut provenir d’algue ou d’autres organismes. C’est une forme de thérapie génique qui permet d’introduire le code génétique de l’opsine dans les cellules ciblées », explique Serge Picaud, directeur de l’Institut de la vision et directeur de recherche à l’INSERM. « Actuellement, la seule application clinique de l’optogénétique est la restauration de la vue pour des patients devenus aveugles. Suite à la perte des photorécepteurs, d’autres cellules de la rétine sont rendues sensibles à la lumière pour remplacer les photorécepteurs naturels », souligne Serge Picaud.
En mai 2021, un homme aveugle a ainsi recouvré la vue grâce à l’entreprise Gensight et l’IHU FOReSIGHT qui regroupe l’Institut de la vision et le Centre national hospitalier d’ophtalmologie (CHNO) des XV-XX. Il souffrait depuis 14 ans d’une cécité liée à la dégénérescence des photorécepteurs, les cellules naturellement sensibles à la lumière dans sa rétine (rétinopathie pigmentaire à un stade avancé).
Un premier essai réussi
Dans la pratique, le gène d’une protéine sensible à la lumière « ambrée » a été introduit dans des cellules présentes au fond de son œil et les a transformés en pseudo-photorécepteurs. Une fois ses cellules rétiniennes modifiées, cet homme a été équipé de lunettes qui projettent sur sa rétine ce qui est devant lui sous forme d’images rouge orangé d’intensité lumineuse élevée. Sa rétine ainsi activée par les signaux lumineux lui a permis, au bout plusieurs mois, de discerner les contours des objets situés non loin de lui puis de les toucher et de les manipuler !
C’est la première fois que l’optogénétique est utilisée avec succès dans un cadre clinique. Un essai de phase 3 sur plusieurs patients doit être lancé pour confirmer ces très bons résultats mais ils ouvrent déjà de nouvelles perspectives. « L’optogénétique a actuellement été testée pour des patients atteints de rétinopathie pigmentaire mais elle pourrait également s’appliquer à d’autres pathologies avec dégénérescence des photorécepteurs comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge. La qualité de la vue restaurée déterminera le domaine d’application de cette thérapie pour laquelle une marge de progression est encore possible depuis cette première mondiale à Paris », conclut Serge Picaud.
Un large potentiel d’applications
L’optogénétique est utilisée dans d’autres domaines que l’ophtalmologie et pourrait permettre, dans un avenir plus ou moins lointain, de compenser des pertes auditives, de réduire des douleurs neuropathiques (douleurs liées à un mauvais fonctionnement ou une lésion du système nerveux) ou d’activer des régions du cerveau endommagées par un traumatisme. Cette technique pourrait aussi être utilisée en immunothérapie pour traiter les tumeurs de cancers hématologiques grâce à des « super cellules immunitaires » activées puis tuées par la lumière grâce à la méthode dite du « gène suicide » afin de limiter les réponses auto-immunes trop importantes.