À l’origine utilisée en psychiatrie, l’hypnose est aujourd’hui largement employée pour diminuer la douleur et l’anxiété du patient hospitalisé. Développée en appoint au bloc opératoire ou pour certains traitements et actes médicaux, elle permet d’améliorer à la fois le confort des malades et la qualité des relations qu’ils entretiennent avec les soignants.
Coloscopies, ponctions lombaires, opérations de la cataracte, pose de sonde… Les champs d’application de l’hypnose à l’hôpital sont désormais nombreux et concernent essentiellement les soins douloureux et les interventions légères. « L’hypnose est un état de conscience particulier, différent de l’éveil ou du sommeil, qui met en sourdine l’environnement extérieur et se focalise sur l’environnement intérieur, précise le docteur Aurore Marcou*, médecin anesthésiste et hypnothérapeute à la Fondation Rothschild à Paris. On l’utilise en médecine parce que, dans l’état hypnotique, le cerveau fait des connexions qu’il ne fait pas à l’état normal : il est particulièrement créatif, imaginatif et intuitif. On peut ainsi l’amener à adopter de nouvelles configurations, ce qui l’aide par exemple à mieux gérer la douleur. » Si cette technique n’a pas pour objet de traiter une pathologie, elle permet d’en soulager les symptômes et d’accompagner le patient vers un plus grand confort physique et mental. Très efficace pour réduire l’anxiété de la personne hospitalisée, elle s’utilise seule, en association avec une anesthésie locale ou combinée avec des médicaments antidouleur et des anxiolytiques.
Voyage sensoriel
Comment fonctionne l’hypnose ? Pour comprendre, un exemple : lorsqu’un sujet victime de bouffées de chaleurs reçoit, en état d’hypnose, des suggestions d’imagerie mentales évoquant la fraîcheur (on l’invite à se baigner mentalement dans la mer et à ressentir la sensation de l’eau fraîche sur la peau), « les zones cérébrales sensorielles qui correspondent aux zones de la fraîcheur s’activent, détaille le docteur Marcou. Le cerveau vit vraiment cette sensation, pour lui c’est la réalité. En fait, on le canalise à ne ressentir que la sensation de fraîcheur. On l’aide à percevoir les signaux différemment, en diminuant l’activation des zones liées aux bouffées de chaleur. » Lors de soins douloureux, le voyage sensoriel proposé au patient lui permet de se détacher de la réalité, de s’extraire de l’environnement médical et ainsi de mettre la douleur à distance. Ce type d’hypnose conversationnelle, qui fait aussi beaucoup appel à l’imagination, est particulièrement efficace sur les enfants et donc plutôt fréquente dans les services pédiatriques.
Chirurgies éveillées
Au bloc, l’hypnose concerne surtout les chirurgies dites éveillées, c’est-à-dire celles qui ne nécessitent pas d’anesthésie générale. « Grâce aux techniques anesthésiques actuelles, les équipes ont maintenant la possibilité de n’endormir qu’une partie du corps pour certaines opérations, explique le docteur Aurore Marcou. Mais même avec une très bonne anesthésie locorégionale, le patient garde les sensations de l’intervention, le chirurgien touche, palpe et tire : cela provoque un inconfort qui s’ajoute au stress lié au contexte opératoire. On utilise donc l’hypnose pour l’aider à vivre le moment autrement, dans le confort et la détente. » Ici, l’hypnose permet aussi de se passer de médicaments hypnotiques (ceux qui plongent le sujet dans l’inconscient), mais aussi de diminuer les complications et les douleurs post-opératoires ainsi que la consommation d’antalgiques. Elle réduit aussi considérablement le temps de récupération après l’intervention. Enfin, parce qu’elle induit une prise en charge personnalisée, la pratique de l’hypnose à l’hôpital améliore également la qualité de la relation soignant-patient en favorisant l’alliance thérapeutique. Le personnel hospitalier est plus à l’écoute et le patient redevient, enfin, le centre de l’attention et du soin.
* Auteur de L’hypnose face au cancer, libérez vos super-pouvoirs !, Editions In Press (150 pages, 8 euros).