La dysphagie, autrement dit la difficulté à déglutir et par conséquent à avaler boissons et aliments, est un trouble plus fréquent que l’on pense. En France, 2 millions de personnes en souffriraient.
La dysphagie se manifeste par un blocage qui empêche la descente de certains aliments, et parfois même de liquides, dans l’œsophage. Elle se distingue de l’odynophagie, qui elle est caractérisée par une douleur empêchant d’avaler. L’aphagie, enfin, désigne l’absence de déglutition. La dysphagie peut avoir plusieurs causes. C’est la raison pour laquelle elle peut être traitée par un oto-rhino-laryngologiste (ORL), un gastro-entérologue ou un neurologue.
Les causes multiples de la dysphagie
« La dysphagie débute généralement par une gêne au niveau de la gorge et peut être intermittente ou permanente », observe le docteur Vincent Burcia, secrétaire général du Syndicat national des médecins spécialisés en ORL et chirurgie cervico-faciale (Snorl), avant de préciser : « Sur la quarantaine de patients que je reçois chaque jour, environ cinq en souffrent. »
Quand ce problème de déglutition touche des enfants, on parle plus volontiers du syndrome des troubles de l’oralité, un phénomène qui peut être réactionnel à un événement traumatisant, comme une fausse route. « La dysphagie engendrée alors par cet accident peut déboucher sur un trouble psychosomatique », prévient-il.
Mais la cause la plus classique est certainement le reflux gastro-œsophagien (RGO), défini par une remontée acide de l’estomac dans l’œsophage. « Qu’il y ait ou pas pyrosis, souligne le médecin, c’est-à-dire une sensation de brûlure, il y a une réponse des cellules qui peuvent générer en retour une inflammation, un œdème, voire une production de mucus qui encombrent la gorge et entravent la déglutition. » Lors de l’examen clinique, l’ORL explore la gorge, bien sûr, mais aussi les oreilles et les fosses nasales. « J’inspecte également les cordes vocales afin de voir l’hypopharynx qui s’abouche dans l’œsophage. » Un accident domestique, comme une absorption d’eau de Javel au cours de l’enfance, peut avoir un lien avec la dysphagie. « Cela peut avoir causé une sténose qui aurait rétréci le diamètre de l’œsophage », explique-t-il.
Quand faut-il s’inquiéter ?
La dysphagie dite d’aggravation progressive est la plus inquiétante. « Quand il y a crescendo des symptômes, on peut en effet craindre un cancer de la gorge ou de l’œsophage », confirme le docteur Burcia. Il ajoute que « lorsqu’elle est associée à une douleur à l’oreille, c’est alors un symptôme très suspect de cancer ».
Par ailleurs, le diverticule de Zenker est identifié comme une autre cause de dysphagie : une sorte de poche, tel un jabot, s’est formée sur la paroi à l’entrée de l’œsophage, dans laquelle la nourriture reste coincée. « Le principal symptôme constaté est la régurgitation par le malade d’aliments non digérés », indique l’ORL.
Une maladie neurologique
Les pathologies neurodégénératives comme Parkinson, la maladie de Charcot, Alzheimer ou des séquelles d’un accident vasculaire cérébral (AVC) peuvent également entraîner une dysphagie. « Le temps buccal, celui de la déglutition, est le seul temps volontaire dans le processus d’absorption des aliments, précise le spécialiste. Le reste est un temps involontaire. Il faut donc que la sensation soit bonne pour que la contraction soit efficace. » En cas d’anomalie de la commande neurologique, certains produits permettent de gélifier les liquides pour ne pas risquer une fausse route. On peut, par exemple, conseiller aux patients souffrant de séquelles d’AVC de boire de l’eau pétillante. Chez la personne âgée, notamment, la déshydratation peut provoquer ou aggraver une dysphagie, car il est difficile de déglutir lorsque l’on a la bouche sèche. Hormis, les maladies neurodégénératives, qui affectent les perceptions chez les personnes âgées, ces dernières peuvent connaître de surcroît une fonte musculaire importante. Appelée sarcopénie, cette diminution de la masse musculaire peut bien entendu aussi atteindre la gorge. Lorsqu’il y a un trop grand amaigrissement, il est possible qu’il y ait trop d’espace dans la gorge et que la contraction nécessaire à la déglutition ne puisse plus s’effectuer. « Passé 60 ans, il est donc fortement déconseillé de chercher à perdre du poids », prévient le spécialiste, ajoutant que l’alcool et le tabac, cancérogènes notoires, augmentent fortement le risque de dysphagie.