Caractérisée par un manque ou une mauvaise qualité de sommeil, l’insomnie perturbe la nuit de près d’un Français sur cinq, avec parfois des retentissements sur leurs journées. Comment en venir à bout ?

Nouvelles solutions contre l'insomnie

Le sommeil est indispensable à notre bien-être physique et mental. Et pourtant, près de la moitié des Français souffre d’au moins un trouble du sommeil*. Et parmi ces troubles, on trouve l’insomnie, qui concerne 15 à 20 % des Français dont 9 % sous une forme sévère. « L’insomnie chronique se caractérise par une difficulté à commencer ou à maintenir le sommeil, trois fois par semaine et pendant plus de trois mois, explique Mélinée Chapoutot, psychologue clinicienne et co-auteure de Libérez-vous de vos insomnies (Odile Jacob). En plus des difficultés d’endormissement, des éveils nocturnes et/ou d’un réveil trop précoce, les personnes qui souffrent d’insomnie se plaignent de répercussions en journée », précise-t-elle.

Les causes de l’insomnie

Dans plus de la moitié des cas, les insomnies sont liées à des facteurs psychologiques tels que le stress, l’anxiété et la dépression. « Les femmes sont aussi plus touchées par l’insomnie, constate la spécialiste, d’autant plus quand elles vivent un phénomène hormonal (grossesse, maternité, ménopause). Les personnes de plus de 50 ans, anxieuses ou perfectionnistes sont également plus susceptibles de développer cette pathologie. » Les modes de vie modernes incluant une exposition excessive aux écrans et une hygiène de vie inadéquate (tabac, alcool, repas copieux, rythme de vie irrégulier), jouent aussi un rôle significatif dans l’apparition de l’insomnie. Une composante génétique peut également intervenir. « Les mécanismes de certaines maladies neurologiques augmentent aussi la probabilité d’insomnie : c’est notamment le cas des maladies d’Alzheimer et de Parkinson qui perturbent le rythme circadien [c’est-à-dire notre rythme biologique sur 24 heures, NDLR] et sont responsables de troubles du sommeil chez 30 % à 50 % des malades », indique l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Quelles conséquences sur la santé ?

Les effets de l’insomnie ne se limitent pas à la fatigue. Elle engendre aussi des problèmes d’irritabilité, des difficultés de concentration et une somnolence diurne. Des symptômes qui peuvent avoir des conséquences sur les activités de la journée, comme une augmentation des accidents au travail et une dégradation de la santé physique. Elle agit également sur l’état de santé global de l’individu, avec une aggravation des symptômes de maladies somatiques (douleurs chroniques, dépression) et un accroissement du risque d’accident cardiovasculaire, d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension et même de maladies psychiatriques.

Adopter de bonnes habitudes de sommeil

Pour surmonter l’insomnie, des changements simples dans les habitudes de sommeil peuvent s’avérer efficaces. Se lever à heure fixe, dormir dans un endroit silencieux, sombre et non surchauffé sont autant de petites astuces qui facilitent l’endormissement. Notre sommeil est, par ailleurs, influencé par nos journées. Si une activité physique régulière peut améliorer la qualité du sommeil, il est conseillé de ne pas la pratiquer dans les deux heures qui précèdent le coucher. Les interactions sociales et l’exposition à la lumière naturelle jouent elles aussi un rôle crucial dans la régulation du sommeil. Bien que tentante, la sieste est à éviter quand on est insomniaque. Malgré ces conseils, la psychologue met en garde : « Même si avoir un rituel d’endormissement est utile, il ne faut pas que cela devienne un conditionneur d’endormissement, prévient-elle. Pour bien dormir, il faut avant tout connaître son besoin de sommeil ainsi que ses rythmes, et aller se coucher à l’heure où le corps en a besoin. »

Une méthode naturelle et efficace

Avec un taux de succès de 80 %, la thérapie comportementale et cognitive de l’insomnie (TCC-i) est considérée comme l’une des solutions les plus efficaces pour traiter l’insomnie. Elle repose sur plusieurs séances durant lesquelles le psychologue ou le médecin du sommeil aide à restructurer les pensées et les comportements liés au sommeil. Il explique d’abord au patient les différents processus du sommeil pour corriger les fausses croyances et analyse ensuite les habitudes d’endormissement pour introduire une nouvelle routine. Il va notamment utiliser la technique de restriction du temps passé au lit (TRTPL), car chez un insomniaque, rester dans son lit trop de temps est contre-productif. « L’organisme finit par ne plus associer le fait de se coucher dans son lit à celui de dormir », précise le Réseau Morphée, consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil. En cas d’éveil prolongé, il est donc conseillé de sortir de son lit, lire sur le canapé, puis retourner dormir. En journée aussi les activités au lit (manger, regarder la TV) sont à bannir. La TCC-i intègre aussi une restructuration cognitive. Il s’agit d’« un ensemble de techniques qui cherche à voir la réalité de la manière plus juste et réaliste possible pour diminuer l’intensité de l’émotion perturbatrice », indique le Réseau.

Dans le prolongement de cette méthode, Mélinée Chapoutot a co-développé la thérapie d’acceptation et d’engagement de l’insomnie, dite ACT-i, une TCC nouvelle génération qui a déjà prouvé son efficacité. « À cause de leur problème de sommeil, beaucoup de personnes repoussent leurs projets de vie, comme un changement d’emploi ou fonder une famille, développe la psychologue. Or, au lieu de se focaliser sur l’importance de bien dormir, cette approche préconise de multiplier les comportements qui améliorent la vie. L’objectif est de se détacher des stratégies de contrôle du sommeil, qui renforcent l’insomnie en focalisant l’attention du patient sur son problème de sommeil : elles participent de l’hyperéveil qui caractérise l’insomnie. Le patient réapprend à prendre soin en priorité des choses importantes dans sa vie, ce qui entraîne le lâcher-prise nécessaire au sommeil. »

En parallèle, des techniques corporelles comme la relaxation, la cohérence cardiaque, la pleine conscience et l’autohypnose sont autant de moyens pour favoriser ce lâcher-prise. Malgré leur efficacité, les TCC restent peu accessibles en France, en grande partie parce qu’elles ne sont pas remboursées par l’Assurance maladie. Certains psychologues proposent également des programmes en ligne ou par téléphone, une alternative aux consultations traditionnelles utile dans les déserts médicaux.

Un recours ponctuel aux médicaments

Même si pour lutter contre l’insomnie, l’approche comportementale est largement privilégiée, des médicaments, comme les hypnotiques (somnifères) peuvent parfois être prescrits pour traiter ponctuellement l’insomnie. Il convient toutefois de rester vigilant face au risque de dépendance.

Un nouveau médicament, le Quviviq®, a récemment été introduit en France. Délivré sur ordonnance depuis mars 2024, en deuxième intention, ce médicament contient une nouvelle molécule, le daridorexant, qui agit sur les récepteurs de l’orexine, un neurotransmetteur qui favorise l’éveil. Considéré comme « sûr et plutôt efficace » par l’Inserm, celui-ci appelle toutefois à la prudence : « un nouveau médicament ne résoudra pas tout à lui seul, surtout s’agissant d’une maladie multifactorielle comme l’insomnie, avec des composantes psychologiques, physiologiques et neurobiologiques difficiles à dissocier ».

* Enquête INSV/Fondation VINCI Autoroutes menée par OpinionWay pour la Journée du sommeil 2024.

Des besoins en sommeil variables

Si une nuit de sept à huit heures suffit en moyenne, certaines personnes n’ont besoin que de quelques heures de sommeil pour se sentir reposés. Il est donc crucial d’évaluer son état de bien-être en journée pour mieux comprendre ses propres besoins. Et avec l’âge, le sommeil évolue. Il devient souvent plus léger et fragmenté. Les personnes âgées ont tendance à se coucher plus tôt et à se réveiller de façon précoce. En revanche, elles peuvent avoir besoin de faire des siestes en journée pour compenser la diminution du sommeil nocturne.

Constance Périn