Caractérisée par la propension à vivre de façon trop intense les émotions, l’hyperémotivité peut rapidement devenir envahissante. Quelles en sont les manifestations et comment la gérer ? Conseils et réponses de Virginie Megglé, psychanalyste et spécialiste de la question.
« Depuis que je suis enfant, la moindre émotion, qu’elle soit négative ou positive, me bouleverse. Il suffit qu’un collègue oublie de me dire bonjour pour que je passe une mauvaise journée. Je peux même me mettre à pleurer si un colis a été perdu par la Poste », explique Ghislaine, 32 ans, hyperémotive. Mais qu’est-ce que ce trouble ? « L’hyperémotivité est la propension d’une personne à se sentir ébranlée par un événement qui semble peu important. Un changement d’horaire, le retard d’un train, la perte d’un objet suffisent à réveiller son inquiétude, à la déstabiliser et à provoquer dans son quotidien l’effet une tornade », explique Virginie Megglé, psychanalyste et auteure de Hyperémotifs, survivre à la tempête intérieure (éd. Eyrolles).
L’hyperémotivité se manifeste aussi bien physiquement que psychologiquement. « Elle donne l’impression de perdre ses moyens, ses facultés, et de ne plus avoir la force d’agir. Elle est aussi caractérisée par une inquiétude soudainement accrue, un très fort sentiment d’insécurité bien que celui-ci puisse être dissimulé derrière une rigidité excessive », complète Virginie Megglé. Physiquement, l’hyperémotivité s’accompagne souvent de palpitations, de tremblements mais aussi de maux de tête, de problèmes digestifs, d’insomnies, de cauchemars ou de rêves très agités.
Emotif, émotive, climat familial et peurs collectives
Les causes de l’hyperémotivité varient en fonction de l’histoire de chacun mais cette forme de vulnérabilité est souvent liée à un climat familial incertain pendant l’enfance, à des accidents de vie et des traumatismes personnels. « Mais elle peut être aussi partagée et liée à des traumatismes collectifs. Car la peur crée un déséquilibre et rend plus vulnérable donc plus prompt à l’hyperémotivité. Il s’agit le plus souvent de traumatismes liés aux attentats, aux guerres, aux phénomènes météorologiques qui n’ont pas pu faire l’objet de soins réparateurs », ajoute Virginie Megglé.
Les parents peuvent aussi transmettre leur hyperémotivité à leurs enfants, tout comme des traumatismes enfouis qui se révèlent à l’occasion d’un choc émotionnel. Si la plupart des personnes parviennent à la gérer, elle peut devenir handicapante quand elle se transforme en paranoïa, en phobies, en TOC, en hypocondrie ou en nosophobie (la peur de tomber malade).
Prise de conscience indispensable
La première étape pour apprendre à gérer ce trouble est d’en prendre conscience. « C’est le premier pas vers un apaisement possible. Il faut cesser de penser que c’est normal ou fatal. Il faut intégrer que l’hyperémotivité est douloureuse, qu’elle induit un dysfonctionnement tant physiologique que psychologique, et qu’il est important d’apprendre à comprendre ce qui se joue en nous à travers elle, pour ne plus se laisser ballotter au gré de ses remous », conseille la spécialiste. Pour autant, l’hyperémotivité n’est pas toujours négative ! « Elle est une alerte, qui nous invite à mieux tenir compte de nos réactions et de nos besoins. Il est important, avec la maturité, d’apprendre à tenir compte de sa vulnérabilité. C’est un chemin sur lequel on progresse pas à pas. Il ne faut pas hésiter à se faire aider, car souvent l’hyperémotivité s’accompagne d’un grand sentiment d’isolement », conclut la psychanalyste, qui invite les personnes hyperémotives à choisir ou à créer un environnement qui leur convient !
L’hypersensibilité et l’hyperémotivité : quelle différence ?
L’hypersensibilité et l’hyperémotivité ne doivent pas être confondues. L’hypersensibilité se manifeste par une forte sensibilité au monde extérieur alors que l’hyperémotivité prend la forme d’émotions intenses qui peuvent déstabiliser. L’hyperémotivité bien sûr exacerbe la sensibilité. Mais elle peut apparaître chez quelqu’un qui ne se considère pas comme hypersensible.