C’est la maladie génétique la plus fréquente : elle touche un Français sur 250. Pour autant, l’hémochromatose, qui se caractérise par une surcharge en fer, demeure méconnue. Souvent diagnostiquée assez tardivement, son traitement est heureusement très efficace.
Si le fer est indispensable à notre organisme – notamment pour fabriquer l’hémoglobine, cette molécule qui permet aux globules rouges de transporter l’oxygène jusqu’aux organes – il peut devenir délétère quand il est présent en trop grande quantité. C’est ce qui arrive aux personnes touchées par l’hémochromatose qui stockent trop de fer. « Comme il n’existe pas de système d’élimination du fer (en dehors des menstruations ou de la grossesse, période où le corps des femmes en consomme beaucoup), nous absorbons normalement uniquement la dose dont nous avons besoin, explique le Pr Édouard Bardou-Jacquet, chef du Service des maladies du foie, Centre de référence des hémochromatoses au CHU de Rennes. Dans le cas de l’hémochromatose, à la suite d’un dérèglement au niveau du foie, le fer est absorbé en quantité trop importante. Une surcharge va progressivement se constituer et, si elle n’est pas éliminée, va abîmer les organes (foie, pancréas, cœur, os) et peut entraîner une cirrhose, un diabète, une insuffisance cardiaque… »
Un gène porteur d’une mutation
L’hémochromatose est due à une mutation génétique qui est apparue à l’origine au sein des populations celtes, puis qui s’est diffusée par le brassage génétique au fil des siècles. Pour la forme la plus fréquente (environ 90 % des personnes concernées), c’est le gène HFE qui porte une mutation. « C’est une maladie à transmission récessive, détaille le spécialiste. Chaque personne est porteuse de deux chromosomes, l’un venant de sa mère et l’autre de son père, et chaque chromosome contient une copie du gène HFE. Pour qu’une hémochromatose apparaisse, il faut que les deux chromosomes soient porteurs du gène ayant la mutation. » On parle alors d’homozygote. Si, en revanche, un patient a le gène muté sur un seul de ces chromosomes – il est hétérozygote –, il ne sera pas malade mais pourra peut-être à son tour transmettre la maladie. On estime qu’environ une personne sur 15 est dans ce cas, ce qui en fait une mutation fréquente.
Une simple prise de sang pour la détecter
La maladie évoluant petit à petit au fil des années et les premiers symptômes étant peu spécifiques (fatigue, douleurs articulaires), elle est diagnostiquée assez tardivement, aux environs de 40-45 ans chez les hommes et de 50-60 ans chez les femmes. En cas de signes évocateurs d’une hémochromatose ou bien lors d’un bilan de santé, le médecin prescrit une prise de sang pour contrôler deux paramètres : le taux de saturation de la transferrine (la protéine qui véhicule le fer dans le sang) et la concentration en ferritine (la protéine de stockage du fer). Si une surcharge en fer est observée, un test génétique permettra de rechercher l’anomalie du gène HFE. « En cas d’homozygotie confirmée, nous conseillons dans ce cas de faire tester la famille proche du patient, c’est-à-dire ses enfants, ses frères et sœurs et, dans une moindre mesure, ses parents », estime Édouard Bardou-Jacquet. Si l’opportunité de mettre en place un dépistage systématique en population générale a pu être évoquée, « les études médico-économiques n’ont pas démontré son intérêt », précise le professeur.
Des saignées pour soigner
L’objectif du traitement est de faire diminuer les stocks de fer dans l’organisme. Pour cela, nul besoin de médicaments, les médecins ont recours à une technique qui peut surprendre : la saignée. « Le fait de prélever du sang va forcer l’organisme à refabriquer des globules rouges, ce qui va nécessiter de puiser dans les réserves de fer, indique le Pr Bardou-Jacquet. On débute généralement par une saignée par semaine, puis, une fois le stock de fer de l’organisme normalisé, on passe à une tous les trois à six mois. » L’opération a lieu à domicile ou à l’hôpital mais il est aussi possible de pratiquer des dons-saignées au sein des lieux de collectes fixes de l’Établissement français du sang (EFS). « Les saignées fonctionnent très bien, conclut le chef du Service des maladies du foie. Pour preuve : l’espérance de vie des malades de l’hémochromatose est supérieure à celle de la population générale, lorsque le diagnostic est fait précocement. »