Pourquoi la préconisation du vaccin contre le tétanos est passée de 10 ans à 20 ans ?
Séverine Souraud : La protection des vaccins DTP (diphtérie-tétanos-poliomyélite) dure bien au-delà de 10 ans. Le calendrier vaccinal a donc pu être simplifié. Cela a permis :
- d’une part de réduire le nombre de rappels,
- d’autre part de passer d’une logique d’intervalle régulier à une logique d’âges clés (25, 45, 65 ans, puis 75, 85 ans) plus facile à mémoriser.
Attention, avec l’âge, l’immunité est un peu moins performante : à partir de 75 ans le délai entre deux rappels repasse à 10 ans. Lors du rappel du DTP, pensez à la stratégie du cocooning ! La stratégie du cocooning vise à protéger les nourrissons de moins de 6 mois en vaccinant l’entourage, et les professionnels de santé ou de la petite enfance. Pour en savoir plus. Discutez avec votre médecin pour voir s’il ne serait pas judicieux de profiter du rappel du tétanos, pour réaliser en même temps le rappel de la coqueluche et protéger ainsi les nourrissons de votre entourage proche. En effet, il n’existe pas de vaccin pour protéger uniquement de la coqueluche. Les vaccins utilisés protègent les adultes de quatre maladies : la diphtérie (d), le tétanos (T), la poliomyélite (P) et la coqueluche (ca).
Le calendrier vaccinal est publié chaque année après avis du « comité technique des vaccinations du Haut Conseil de Santé Publique ». Il tient compte des nouvelles connaissances sur la durée de protection des vaccins.
A-t-on assez de recul pour être sûr que vacciner nos enfants contre 4 à 5 maladies en même temps n’est pas nocif ?
Séverine Souraud : Des données scientifiques rigoureuses montrent que l’administration de plusieurs vaccins en même temps n’a aucun effet néfaste sur le système immunitaire de l’enfant. Cela permet :
- de limiter le nombre d’injections,
- le nombre de consultations,
- et de suivre au mieux les recommandations du calendrier vaccinal.
Pour rentrer en collectivité, la vaccination contre 11 maladies est obligatoire pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2018. Ces 11 maladies sont la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, la rougeole, les oreillons, la rubéole, l’Haemophilus influenzae de type B, l’hépatite B, le pneumocoque et le méningocoque C. Elles sont loin d’être bénignes pour nos enfants (les risques encourus sont : méningite avec séquelle, épiglottite avec asphyxie du nourrisson, pneumonie, cancer…) Ces vaccins figurent depuis longtemps dans le calendrier vaccinal, ils ne sont pas nouveaux. Ils sont souvent combinés. La vaccination protège votre enfant de ces maladies infectieuses, mais aussi les autres enfants de la collectivité, trop jeunes pour être vaccinés. Pour en savoir plus
Pourquoi administrer le vaccin dans le muscle alors que c’est encore plus dangereux et que les médecins de nos pays européens voisins sont restés « à la vieille école » ?
Séverine Souraud : Par « à la vieille école », je pense que vous voulez dire dans l’omoplate qui est aussi une voie intramusculaire. Il faut comprendre que chaque médicament a une voie d’administration qui lui est propre. Les études d’efficacité, d’innocuité d’un médicament sont faites pour une voie d’administration bien définie. Donc pour administrer un médicament dans les meilleures conditions, il faut respecter la voie d’administration indiquée dans l’AMM (Autorisation de mise sur le marché). Ainsi, les fabricants de vaccins préconisent principalement la voie intramusculaire, ou la voie sous-cutanée profonde. La voie intradermique est réservée au BCG et doit être pratiquée par un professionnel habitué à ce type d’injection.
La préférence pour la voie musculaire s’appuie sur des critères d’immunogénicité et de tolérance. L’injection se fait en général au niveau du deltoïde pour les enfants, les adolescents, et les adultes ; et au niveau de la face antéro-latérale de la cuisse (zone sans danger) chez le nourrisson (le deltoïde n’étant pas encore suffisamment développé). L’injection dans la fesse n’est plus recommandée (risque de léser le nerf sciatique et le tissu adipeux y est très épais).
Pourquoi se faire vacciner contre certaines maladies qui ont presque disparu ou pour des virus qui ont une durée de vie cyclique comme la polio ?
Séverine Souraud: Elles ont presque disparu, mais pas complètement… Si la couverture vaccinale diminue, les épidémies reviennent.
Prenons l’exemple de la poliomyélite. La poliomyélite est une infection virale qui dans sa forme la plus grave provoque des paralysies des bras, des jambes, des muscles, de la respiration. Elle peut laisser des déformations définitives. En France, il n’y a plus eu de cas de poliomyélite autochtone depuis 1989. Mais les microbes ne s’arrêtent pas aux frontières. Il y a encore des foyers de poliomyélite dans le monde malgré les campagnes de vaccination internationale. Si on cesse de vacciner contre cette maladie, la couverture vaccinale de la population française sera moins bonne, et la maladie, rapportée par un voyageur ou apportée par un visiteur, pourrait réapparaître. 3 pays ne sont pas parvenus à ce jour à interrompre la transmission : l’Afghanistan, le Nigéria et le Pakistan. Pour en savoir plus.
Prenons l’exemple de la rougeole. La rougeole, qui est une maladie extrêmement contagieuse, nécessite un taux de couverture vaccinale de 95% de la population pour que l ‘épidémie soit contrôlée. Actuellement en France, comme la couverture vaccinale est insuffisante, on constate une recrudescence de cas de rougeole. La rougeole, souvent considérée à tort comme une maladie bénigne de l’enfance, peut entraîner des complications graves à court terme au niveau des poumons et du cerveau, et une complication redoutable à long terme toujours fatale (encéphalite). Il est important de veiller à ce que la deuxième dose de rappel ne soit pas oubliée : une seule dose ne suffit pas. Statut vaccinal des personnes nées depuis 1980 : bien vérifier que le vaccin a été administré à deux doses.
Que pensez-vous du vaccin contre le cancer du col de l’utérus, pour les jeunes filles ? Le conseilleriez-vous ?
Séverine Souraud: Je suis tout à fait pour. Je le conseille vivement à mes patientes. J’ai trois filles : elles sont toutes vaccinées contre les HPV (Human Papilloma Virus). Si j’avais eu un garçon, je l’aurais fait vacciner aussi.
Au cours de leur vie sexuelle, les jeunes filles vont être pour la plupart infectées par le HPV. C’est un virus très fréquent. Dans 90 % des cas, le virus sera éliminé naturellement. Mais dans 10 % des cas, l’infection persiste et peut entraîner des lésions précancéreuses au niveau du col de l’utérus, susceptible d’évoluer vers un cancer 10 à 15 ans après. De plus, le traitement des lésions précancéreuses par conisation (le retrait d’une partie du col) peut augmenter le risque d’accouchement prématuré lors de grossesses futures.
Le papillomavirus est aussi à l’origine d’autres cancers (au niveau de l’anus, l’oropharynx, l’appareil génital, la cavité orale, le larynx) chez les jeunes filles comme chez les garçons. Depuis le 1er janvier 2021, la vaccination contre les HPV est étendue à tous les garçons de 11 à 14 ans, avec un rattrapage possible chez les adolescents et les jeunes hommes de 15 à 19 ans révolus, et aussi chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes jusqu’à l’âge de 26 ans.
Cette vaccination est inscrite au calendrier vaccinal 2020. Si l’infection par un papillomavirus entraîne rarement un cancer du col de l’utérus, à l’inverse, tous les cancers du col de l’utérus sont secondaires à une infection persistante par un papillomavirus. Le cancer du col est le deuxième cancer le plus fréquent chez la femme dans le monde. Malgré les progrès thérapeutiques, il est encore de mauvais pronostic.
En France, 1000 femmes décèdent chaque année d’un cancer de l’utérus. Il faut vacciner idéalement avant le début de la vie sexuelle. Entre 11 et 14 ans, deux injections suffisent. Entre 15 et 19 ans, il faut trois injections. Les vaccins protègent seulement contre les souches qui ont le plus haut potentiel cancérogène. C’est pourquoi se faire vacciner ne dispense pas d’un frottis à intervalles réguliers chez toutes les femmes de 25 à 65 ans.
Le Gardasil 9 (contenant 9 types de virus) est le nom du vaccin disponible en France. Le système de surveillance montre qu’il n’y a pas plus de scléroses en plaques chez les personnes vaccinées que chez les non-vaccinées. Le profil de sécurité d’emploi est jugé satisfaisant. Pour en savoir plus
Y a-t’ il des vaccins indispensables à faire avant de se rendre en Inde pour une longue durée (trek d’un mois) ?
Séverine Souraud : Je n’ai pas suffisamment de détails (période, région, votre « état vaccinal » …), et pas les compétences, pour vous répondre personnellement.
En Inde, il n’y a pas besoin du vaccin contre la fièvre jaune. Les vaccinations contre la typhoïde et l’hépatite A sont fortement recommandées.
Pour préparer votre voyage, vous devez consulter votre médecin traitant ou consulter en médecine du voyage (Hôpitaux civils ou militaires, Centre Pasteur…), minimum 1 mois avant votre départ, idéalement 2 mois avant. Il y a des délais à respecter. Il faudra peut-être mettre à jour vos vaccins « classiques ».
Lors de votre consultation :
- apportez votre carnet de vaccination (si vous l’avez),
- sachez décrire les conditions dans lesquelles vous partez : ville ou brousse, hôtel ou nuit sous la tente, les dates de départ et de retour (sécheresse ou mousson).
D’autre part :
- informez-vous sur les moyens de prévention de la tourista,
- protégez-vous contre le paludisme (lutte vectorielle, chimio-prophylaxie ou pas). En fonction des conditions de votre voyage, votre médecin vous dira si c’est nécessaire ou non.
Il semblerait que les adjuvants à base d’aluminium présents dans les vaccins pour booster la réponse immunitaire de l’organisme soient au cœur des polémiques. Est-il nécessaire d’adjoindre un produit aussi dangereux pour l’organisme à des nourrissons de quelques mois ?
Séverine Souraud: L’aluminium est maintenant présent depuis 1926 dans les vaccins. Les sels d’aluminium sont les adjuvants les plus utilisés. L’adjuvant est indispensable pour stimuler la réponse immunitaire. De plus, il permet de réduire les quantités d’antigènes présents dans les vaccins, et le nombre d’injections. Nous avons du recul (90 ans), des millions de doses injectées. Bien que des traces d’aluminium puissent rester autour de point d’injection, aucun effet nocif n’a été établi. Une étude a mis en cause l’aluminium dans les vaccins. Mais d’autres études ne confirment pas ces résultats et à ce jour aucune étude n’a permis de démontrer l’existence d’un effet nocif lié à l’aluminium.
Compte-tenu des données disponibles à ce jour à l’échelle internationale, soyez rassurés. De plus, sachez que l’aluminium est un métal très abondant sur terre. Nous en absorbons chaque jour un peu par voie orale. L’aluminium est naturellement présent dans certains aliments, dans l’eau, mais aussi dans l’agroalimentaire, les canettes, les médicaments (antiacides par exemple), la cosmétique (les déodorants principalement). En comparaison, les quantités apportées par les vaccins sont faibles.
Quels vaccins à mettre à jour ?
Séverine Souraud: Selon votre âge, votre situation professionnelle (personnel de santé, égoutier…), vos antécédents (asthme, diabète…), vos déplacements (voyage), vos projets (grossesse, projet parental…), les recommandations peuvent varier. C’est votre médecin généraliste qui va vous aiguiller.
Le médecin vous prescrira les vaccins afin qu’ils soient pris en charge par la Sécurité sociale. Le pharmacien a souvent des petits carnets de vaccination à offrir si vous avez égaré le vôtre. Il est important d’y noter les dates et les noms des injections vaccinales.
Prenez soin de votre carnet de vaccination ! Vous pouvez prendre aussi le temps de remplir votre carnet de vaccination électronique.
Pensez à respecter la chaîne du froid. Votre médecin suivra les recommandations du calendrier vaccinal. Ou il suivra les recommandations du calendrier de rattrapage si vous n’avez pas respecté les dates des injections. Il est important de comprendre que les vaccins dits « recommandés » sont tout aussi importants que les « obligatoires ». Les vaccins contre la diphtérie, la polio, et le tétanos sont dits « obligatoires » car la législation est ancienne, et se réfère à des épidémies meurtrières ayant eu lieu au début du 20ème siècle.
Est-ce que vous pouvez nous dire si vous soupçonnez un lien entre l’explosion des maladies-auto-immunes et des intolérances alimentaires et l’augmentation des doses vaccinales, en particulier chez les enfants très jeunes ?
Séverine Souraud: Dans l’état de nos connaissances, aucun lien n’a été établi entre les maladies auto-immunes et les vaccins de l’enfance. Les maladies auto-immunes sont dues à une confusion de l’organisme qui va diriger ses défenses immunitaires contre lui-même. Cette confusion peut se faire après un contact avec une molécule chez une personne présentant des facteurs favorisants. Malgré de nombreuses études, aucun lien n’a été démontré entre la vaccination contre le virus de l’hépatite B et l’apparition d’une sclérose en plaques. Il en est de même entre le ROR et l’autisme. Le gardasil a été lui aussi au cœur d’une controverse. Depuis, sa sécurité a pu être démontrée par des études sérieuses à grandes échelles. De plus le système de pharmacovigilance poursuit une surveillance active.
Entretien avec SOURAUD Séverine (Pharmacienne)