Après un diagnostic de cancer du sein, la plupart des femmes parviennent à reprendre leur activité professionnelle. Cependant, leurs parcours vers la réintégration dans le monde du travail varient considérablement, comme l’illustrent deux études récentes portant sur cette problématique. À l’occasion d’Octobre rose, ces recherches mettent en lumière les défis auxquels les patientes sont confrontées et les leviers qui peuvent être mobilisés pour améliorer leur qualité de vie post-cancer. On fait le point dans cette revue de presse, dans la continuité d’Octobre Rose.
L’étude TRAVERSÉES, conduite en France, s’intéresse aux trajectoires de retour à l’emploi après un diagnostic de cancer du sein. Elle a suivi 317 femmes âgées de 25 à 55 ans, diagnostiquées avec un cancer du sein précoce, et a révélé une grande variabilité dans les périodes d’arrêt de travail et la reprise d’activité. La majorité des femmes (50 %) retourne au travail dans l’année suivant le diagnostic, tandis que 38 % reprennent à temps plein durant la deuxième année, souvent après une reprise à temps partiel. Enfin, 13 % des femmes connaissent des arrêts complets jusqu’à trois ans après le diagnostic.
Cette étude repose sur l’exploitation des données du Système National des Données de Santé (SNDS), une base unique en Europe qui permet de suivre les soins et les arrêts de travail des patientes. Les arrêts de travail sont analysés en fonction de leur durée et de leur nature (temps complet ou partiel), et les trajectoires de reprise sont ainsi mieux comprises.
Les facteurs influençant le retour au travail
Selon Bertrand Porro, chercheur en psycho-oncologie à l’Institut de cancérologie de l’Ouest, près de 80 % des femmes sont de retour au travail dans les deux ans suivant un diagnostic de cancer du sein, un chiffre qui reste stable à cinq ans. Cependant, pour les 20 % qui ne réintègrent pas leur emploi, de nombreux freins subsistent.
Ces obstacles sont de nature diverse. La précarité professionnelle, en particulier pour les femmes les moins diplômées ou enchaînant les contrats précaires, rend le retour au travail difficile. Les conditions de travail jouent également un rôle : une implication physique trop importante, de mauvaises relations professionnelles, une charge de travail excessive ou un manque de reconnaissance peuvent décourager les patientes.
Les effets secondaires des traitements, comme la fatigue ou la douleur, ainsi que la détresse émotionnelle et le manque de soutien familial, représentent également des freins majeurs. La confiance en soi des patientes et leur capacité à s’adapter aux changements liés à la maladie sont des éléments essentiels pour envisager une reprise professionnelle.
Des parcours individualisés pour soutenir la reprise d’emploi
Les résultats des deux études montrent l’importance de personnaliser l’accompagnement des patientes dans leur parcours de reprise de travail. Chaque trajectoire dépend d’une combinaison de facteurs liés à la maladie, aux traitements, aux conditions de vie et de travail, ainsi qu’au soutien personnel et professionnel.
Les professionnels de santé, les services de médecine du travail et les employeurs doivent collaborer pour identifier les besoins spécifiques de chaque patiente et proposer des solutions adaptées. Cet accompagnement permettrait non seulement de faciliter le retour au travail, mais aussi d’améliorer la qualité de vie des femmes après un cancer du sein.
Enfin, la mise en place d’indicateurs de suivi, comme ceux proposés dans l’étude TRAVERSÉES, pourrait aider à mesurer l’évolution du retour au travail dans le temps et à ajuster les politiques de soutien en fonction des besoins identifiés. Ces données permettent également de mieux comprendre les obstacles rencontrés par les femmes en rémission et d’orienter les actions en faveur de leur réintégration professionnelle.
Julia Rodriguez