Gagner du poids est parfois une mission impossible quand on est trop maigre de nature. Cela peut paraître surréaliste pour la majorité des gens. Pourtant, grossir n’est pas toujours si simple. C’est même une lutte de tous les instants. Incompris et stigmatisés, les maigres souffrent aussi du regard des autres.
Chaque printemps et chaque rentrée, c’est la même rengaine : les unes de magazines proposent toutes de « perdre du ventre », « gommer ses rondeurs » ou encore « détoxifier son organisme pour mincir » grâce à des régimes alimentaires particuliers, associés à des exercices physiques « spécial ventre plat ». On parle toujours des « rondes » (l’adjectif s’accorde d’ailleurs systématiquement au féminin) mais jamais des personnes qui sont trop minces. De la même façon, si l’étau se desserre et que la société commence à reconnaître et à mettre en avant celles qui assument leurs rondeurs, on ne parle jamais, en revanche, des autres, celles et ceux qui ont un corps en dessous de la norme pondérale. Mais qu’est-ce au juste que cette norme ? Comment et par qui est-elle fixée ?
Connaître son indice de masse corporelle
Inventé au XIXe siècle, l’indice de masse corporelle – ou IMC – permet de savoir si son poids est adapté à sa taille. Il est calculé à partir d’une formule mathématique simple : le poids divisé par le carré de la taille (IMC = poids en kg/taille² en m). Cette formule, qui ne prend en compte ni le sexe ni l’âge de la personne, est donc approximative puisqu’elle ne donne pas certains détails, comme la répartition entre la masse grasse et la masse musculaire. L’IMC reste cependant utile aux médecins pour reconnaître une dénutrition, une maigreur, ou à l’inverse un surpoids ou une obésité. Le suivi de ce chiffre est important. Une diminution rapide de celui-ci doit en effet conduire à une évaluation du statut nutritionnel avec le médecin traitant. « On considère qu’une personne est maigre si son IMC est inférieur à 18, indique Jean-Michel Lecerf, médecin nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille. Lorsqu’il est en dessous de 16, il y a là un vrai risque de santé. » On estime à 4 % la proportion de personnes maigres dans la population générale. Si l’on soustrait celles souffrant de troubles du comportement alimentaire (TCA) ou d’autres pathologies, le chiffre tombe à moins de 1 % pour celles qui ont une maigreur innée, appelée aussi maigreur constitutionnelle.
Maigreur constitutionnelle ou amaigrissement récent
« Il faut savoir si la maigreur est constitutionnelle, c’est-à-dire stable, ou si le patient a maigri, poursuit le médecin nutritionniste. Dans ce dernier cas, il faut alors mener une enquête afin de trouver la cause de cet amaigrissement. » Une maladie, un diabète mal équilibré, une sous-alimentation cachée par le patient, voire une pathologie psychiatrique telle qu’une anorexie mentale (voir encadré), par exemple, peuvent entraîner une perte de poids. « Il existe toute une série de situations diverses qui méritent une approche médicale », ajoute le spécialiste. « Il y a des gens maigres, avec un indice corporel de 16-17 kg/m², mais stables, qui se nourrissent convenablement, et qui ne se sentent pas plus fatigués que d’autres », précise-t-il, avant d’ajouter : « Pour un grand nombre d’individus, cette maigreur dite constitutionnelle est essentiellement liée à des facteurs génétiques et il leur est quasiment impossible de grossir. »
Complexé d’être trop maigre
Si ces personnes plus maigres que la moyenne sont en bonne santé, elles sont la plupart du temps complexées par leur apparence physique. La société est cruelle à l’égard des gros, mais elle l’est tout autant, voire davantage, vis-à-vis des « trop maigre ». Eux aussi souffrent du regard des autres et doivent régulièrement supporter des remarques désobligeantes, du type « De quoi te plains-tu ? Tu as de la chance », « Tu es plate comme une planche à pain », « Attention, tu vas perdre un os ! », « Regarde ce type, il a des bras comme des allumettes »… Et quand arrivent les beaux jours, c’est un cauchemar pour beaucoup, qui ont de plus en plus de mal à camoufler cette maigreur qui les stigmatise.
Le bon régime alimentaire
Généralement, quand on parle de régime, c’est pour mincir. Eux sont au contraire obsédés par le besoin de grossir. « Il faut bien entendu qu’ils fassent attention à ne pas manger insuffisamment au risque de perdre encore du poids », observe Jean-Michel Lecerf, qui ajoute : « L’autre erreur serait de se gaver et d’avoir un régime alimentaire déséquilibré. » Alors, quelle est la bonne attitude à adopter pour gagner quelques kilos qui permettraient de s’étoffer ? Clémentine, 19 ans, qui mesure 1,70 m pour 50 kilos, s’impose des repas hypercaloriques et des grignotages à tout bout de champ. Mais rien n’y fait. Malgré les viennoiseries et les chips, sa courbe de poids reste désespérément trop basse. « Pour parvenir à gagner du poids, il faut avant tout manger sainement et associer à ce régime alimentaire équilibré une activité physique régulière », conseille Jean-Michel Lecerf. Surconsommer des protéines comme le font les bodybuilders pour gagner de la masse musculaire est en revanche une fausse bonne idée. Idem pour le sucre et les graisses. Car à l’insuffisance pondérale risquent de se greffer des problèmes de santé comme du cholestérol, du diabète ou des troubles cardiovasculaires. Comme pour n’importe quel régime alimentaire, la clé d’une bonne santé réside dans l’équilibre alimentaire et la variété des aliments. « Les vrais maigres doivent manger beaucoup pour ne pas être plus maigres », insiste le médecin, qui préconise les féculents, les matières grasses d’origines variées, le fromage, excellent pour prendre du poids, ou encore les fruits secs. Viande, poisson, œufs, produits laitiers en quantité suffisante sont recommandés pour l’apport en protéines. Fractionner son alimentation en ajoutant des collations entre les repas est une bonne façon d’augmenter sa ration calorique journalière.
Faire du sport et fuir le stress
Développer sa masse musculaire permet également de… grossir. Mais attention, il ne s’agit pas de brûler toutes ces précieuses calories que l’on a avalées en se lançant dans un jogging effréné. Les exercices les plus recommandés sont ceux dits « contre résistance » Ils entraînent la contraction du muscle, qui travaille contre une résistance externe. Cela peut être tout simplement son propre poids corporel, des bandes élastiques, des poids ou tout autre objet. La musculation en salle ou la natation, par exemple, sont des exercices contre résistance.
En faisant brûler plus de calories, le stress peut être un facteur de perte de poids. Il amène, de plus, à consommer du café, du tabac ou de l’alcool, qui contribuent aussi à entretenir la maigreur chez les personnes qui sont déjà en sous-poids. Penser à se reposer et à se relaxer participe à gagner quelques kilos.
La dénutrition chez les seniors : une maladie silencieuse à repérer
Ennuis de santé, problèmes buccodentaires, handicaps, solitude… sont des facteurs qui peuvent engendrer une perte d’appétit. Or qui dit perte d’appétit, dit risque de dénutrition. En France, plus de deux millions de personnes sont concernées, en particulier les personnes âgées (5 % des plus de 70 ans qui vivent à domicile). Une perte de poids involontaire, de 2 à 3 kg, est l’un des premiers signes qui doit alerter. On doit ensuite s’inquiéter quand la personne commence à marcher plus lentement, quand elle ne parvient plus à réaliser ses activités habituelles, qu’elle a du mal à se relever lorsqu’elle est assise, qu’elle est incapable de porter ses courses. Car la dénutrition, qui se caractérise par une fonte des muscles, s’accompagne inévitablement d’une grande faiblesse. Sous-estimée, la dénutrition est bien souvent mal diagnostiquée, notamment parce que l’on considère la perte de poids comme une fatalité chez la personne âgée. Pourtant, elle peut être prévenue et traitée efficacement par la prescription de complexes multivitaminés, le rééquilibrage de l’alimentation et la mise en place de petits exercices de renforcement musculaire.
Anorexie mentale chez l’ado : y penser en cas d’amaigrissement
L’anorexie mentale est une pathologie psychiatrique qui s’installe insidieusement. Elle doit être repérée et prise en charge le plus tôt possible afin d’éviter qu’elle n’évolue vers une forme chronique plus grave. Les symptômes qui doivent alerter et amener à consulter sont, notamment, un rapport obsessionnel avec la nourriture – avec la volonté de perdre toujours plus de poids –, un amaigrissement important, des stratégies d’évitement des repas, le tri de la nourriture, l’arrêt des règles chez la jeune fille. Cette maladie touche majoritairement les femmes jeunes mais peut concerner des garçons (10 % des cas). Chez ces derniers, l’anorexie est plus souvent associée à des phases de boulimie.