Pollution, ondes, radioactivité mais aussi virus, bruit ou encore stress : notre santé est largement impactée par des agresseurs présents dans notre environnement et rassemblés sous le terme d’exposome. Une bonne connaissance de ces agresseurs participe à la santé et au bien-être.
On constate que 63 % des maladies non transmissibles sont liées à une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux et devraient augmenter de 17 % au cours de la prochaine décennie, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des chiffres qui inquiètent mais que tient à préciser Robert Barouki, professeur à l’université de Paris Cité, praticien hospitalier au sein du service de Biochimie métabolomique et protéomique de l’hôpital Necker Enfants Malades et directeur d’une unité de l’Inserm. « L’environnement au sens large concerne tout ce qui n’est pas génétique. Il faut donc y inclure les déséquilibres alimentaires, le tabagisme, nos comportements et pas seulement la pollution », indique-t-il. Et c’est là que la notion d’exposome prend tout son sens.
Aux origines de l’exposome
Mis au point en 2005 par Christopher Wild, épidémiologiste et ancien directeur du Centre international de recherche sur le cancer, l’exposome représente l’ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé de l’homme tout au long de la vie. « Il s’agit des influences de l’environnement chimique (contaminants, air intérieur et extérieur), de l’environnement physique (radioactivité, bruit, ondes électromagnétiques, particules), des déséquilibres alimentaires et énergétiques, des attaques par les toxines ou les virus mais aussi du stress psychologique », précise le Pr Barouki qui y inclut les influences sociales et psychoaffectives. Il complète : « Il y a aussi une notion temporelle car l’exposome concerne les expositions tout au long de la vie. Des expositions pendant la vie fœtale ou la petite enfance peuvent, en effet, avoir des conséquences beaucoup plus tard dans la vie. » Ces différents facteurs environnementaux peuvent s’additionner et accentuer leurs effets délétères. « Les personnes qui ont un niveau économique faible peuvent être plus exposées à la pollution et à des contaminants dans l’alimentation et parfois ne font pas autant d’activité physique que le recommandent les autorités de santé », note le Dr Barouki.
Cette notion d’exposome a été introduite en 2016 dans loi Marisol Touraine de santé publique et figure au cœur du Plan national santé environnement (PNSE4), lancé en 2021, et qui vise à réduire l’impact de l’environnement sur la santé.
Prévention et traitements personnalisés
Les différents composants de l’exposome, leur association potentielle et leurs liens avec des maladies sont actuellement étudiés par des équipes de recherche. Au niveau européen, l’European Human Exposome Network regroupe 9 projets menés dans 24 pays. L’Inserm a aussi mis en place une infrastructure de recherche baptisée France Exposome, qui a pour objectif de proposer, aux chercheurs intéressés, des approches méthodologiques dans le champ de l’exposome chimique. « L’exposome présente plusieurs intérêts. Sa caractérisation permet de démontrer qu’il existe des facteurs environnementaux qui affectent la santé et donc de prendre des mesures à l’échelle de la population pour réduire leur impact », explique le professeur Barouki.
L’étude de l’exposome permet aussi de rechercher des liens entre les différents facteurs environnementaux. « Lors d’études concernant des facteurs chimiques, on peut ainsi interroger les volontaires sur ce qu’ils mangent, s’ils sont stressés ou s’ils subissent du bruit. On peut ainsi étudier la concomitance entre plusieurs facteurs environnementaux qui peut avoir des conséquences pour la santé, note le professeur Barouki. En toxicologie, on peut également étudier des facteurs chimiques et d’autres composants de l’exposome comme la nourriture et, chez l’animal ou sur des cellules, un comportement alimentaire et un facteur chimique. À titre d’exemple, lorsqu’un animal est exposé à un régime très riche en lipide et à de la dioxine, il peut être sujet à des maladies de type stéatohépatites [maladies caractérisées par une accumulation de graisses dans le foie et une inflammation de cet organe, NDLR] très répandues actuellement », précise le Pr Barouki. L’objectif de cette caractérisation de l’exposome est de permettre le développement de diagnostics et de traitements adaptés mais aussi de prévenir les maladies chroniques.
Projets d’avenir
À plus long terme, la caractérisation de l’exposome individuel pourrait permettre à chacun d’entre nous de mieux vivre. « Les médecins, s’ils disposaient de plus de temps, pourraient ainsi demander à leurs patients où ils habitent, s’ils sont gênés par le bruit ou si l’air de leur environnement est pollué. Après cet interrogatoire, ils pourraient éventuellement prescrire des dosages et adapter leur traitement. Il faudra encore du temps avant de parvenir à cette forme de prévention personnalisée mais c’est ce que devrait permettre de mettre en place à terme la caractérisation de l’exposome. La Mayo Clinic, un haut lieu de la médecine, organise tous les ans un congrès sur la médecine personnalisée. Par le passé, ce sont les questions autour de la génétique qui était mises en avant mais cette année c’était l’exposome, ce qui signifie que les milieux médicaux commencent à s’intéresser de très près à cette question », s’enthousiasme le Pr Barouki qui voit dans l’exposome une véritable révolution en termes de prévention.
Quels liens avec l’épigénétique ?
La génétique correspond à l’étude des gènes et aux effets biologiques et sanitaires de la modification de leur séquence. Elle se distingue de l’épigénétique qui concerne l’étude des processus qui permettent de moduler l’expression des gènes mais qui ne sont pas liés à des changements de la séquence de l’ADN. Certaines modifications épigénétiques sont provoquées par l’environnement au sens large et donc par l’exposome !