Parce que la vie intime d’une femme n’est jamais un long fleuve tranquille et que celle-ci sera tout au long de son existence confrontée à des interrogations, des choix, des changements, des problèmes, Anne de Kervasdoué, gynécologue, a voulu faire profiter de son expérience et de ses solutions aux femmes. Son livre La vie intime des femmes a été pensé comme un compagnon de route. Le ton est clair, rassurant, et tous les sujets, du plus futile au plus sérieux, y sont abordés sans tabou.
Depuis le début de votre carrière, avez-vous constaté des changements concernant les préoccupations et les attentes de vos patientes ?
J’ai remarqué chez beaucoup de mes patientes une plus grande tendance à vouloir laisser faire la nature. Elles sont de plus en plus nombreuses à refuser des produits susceptibles de modifier le fonctionnement naturel de leur corps. Elles sont devenues plus exigeantes, mais en parallèle elles font moins confiance aux médecins. Elles manifestent aussi une plus grande méfiance à l’égard des laboratoires et, par conséquent, des médicaments. La pilule contraceptive et le traitement hormonal pour la ménopause (THM), notamment, suscitent beaucoup d’interrogations et de craintes. Il n’y a aujourd’hui plus que 10 % des femmes qui prennent un THM, par exemple.
Les gynécologues se font de plus en plus rares. Quelles conséquences cela a-t-il sur la santé des femmes ?
La décision, il y a plusieurs dizaines d’années, de privilégier l’obstétrique au détriment de la gynécologie médicale, alors que ce sont deux spécialités bien distinctes, a entraîné aujourd’hui une pénurie de gynécologues médicaux. Les gynécologues obstétriciens sont des spécialistes de l’accouchement et de l’intervention chirurgicale, quand les gynécologues médicaux, eux, sont davantage formés à l’endocrinologie, à la médecine interne des femmes. Ils jouent un rôle majeur dans la prévention, les dépistages des maladies gynécologiques et les traitements de l’infertilité. Aujourd’hui, seulement une cinquantaine de ces spécialistes sont formés chaque année. La conséquence est qu’il y a beaucoup de femmes qui ne sont pas suivies par un gynécologue. Elles consultent leur médecin traitant ou une sage-femme, alors que ces derniers ne sont pas habilités à prescrire tous les médicaments, ni à pratiquer certains examens de dépistage, comme une colposcopie [prélèvement au niveau du col de l’utérus, NDLR].
Avec ce livre, qu’avez-vous souhaité apporter aux femmes ? En quoi pensez-vous qu’il peut leur être utile ?
La vie d’une femme est jalonnée d’étapes. Cela commence à la puberté, avec les règles et les douleurs qui parfois vont avec, ensuite se pose la question de la contraception, puis vient la grossesse, et au moment où arrive la ménopause, elle doit encore faire face à certains soucis. C’est la raison pour laquelle j’ai conçu cet ouvrage, afin de les accompagner tout au long de leur vie, d’aider toutes les générations de femmes à mieux comprendre le fonctionnement de leur corps et pour répondre à leurs préoccupations à chaque moment de leur vie. Il rend également compte des toutes dernières connaissances en gynécologie et des nouvelles solutions thérapeutiques, car beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce domaine : les femmes ont maintenant un grand choix de pilules contraceptives, les stérilets ont été améliorés, il existe des traitements ciblés contre le cancer de sein, etc. J’ai voulu également corriger les fausses informations qui génèrent des angoisses inutiles. Ce livre a donc pour objet d’informer, mais aussi de rassurer, lorsque l’on apprend une nouvelle qui nous contrarie, par exemple. Il explique, donne des outils et ouvre des perspectives. Il est important d’avertir les femmes de ce que ces solutions peuvent engendrer, notamment en termes de protection contraceptive ou contre les infections sexuellement transmissibles. Il est le fruit de longues années d’expérience.
En matière de prévention, sur quels points insistez-vous ?
En consacrant un grand chapitre aux méthodes contraceptives, j’insiste beaucoup sur l’importance de prévenir les grossesses non désirées. Il me paraît aussi très important de faire vacciner les jeunes filles, mais aussi les garçons, contre le papillomavirus. Ce vaccin, dit HPV, les préserve de certains cancers évitables liés à l’activité sexuelle. Une autre des solutions de prévention pour ces femmes : le frottis, qui sert à dépister les cancers du col de l’utérus avant même qu’ils ne se développent. Ensuite, je recommande de faire de temps à autre des tests VIH (sida), notamment chez les personnes qui changent de partenaires. Bien sûr, je préconise aussi la mammographie, qui entre dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein chez toutes les femmes âgées de 50 à 74 ans. Même s’il se soigne de mieux en mieux lorsqu’il est diagnostiqué suffisamment tôt, c’est un cancer très fréquent et qui tue encore près de 12 000 femmes chaque année en France. Pour finir, il y a un aspect de la prévention qui est encore trop négligé chez la femme : il s’agit des maladies cardiovasculaires. On constate souvent un retard de diagnostic chez les femmes. C’est la raison pour laquelle, passé 50 ans, je leur conseille de faire pratiquer un bilan cardiaque. Alors que toutes redoutent d’avoir un cancer du sein, elles ignorent qu’elles peuvent très bien être victimes d’un problème cardiovasculaire.
Quelles sont les idées fausses le plus souvent véhiculées ?
Il y a tout d’abord une méconnaissance de l’anatomie féminine, notamment du clitoris, que l’on ne représente dans sa totalité que depuis peu. C’est en réalité un organe à part entière, qui est beaucoup plus grand que ce que l’on s’imaginait, et qui est entièrement dédié au plaisir sexuel. C’est d’ailleurs lui, pour l’essentiel, qui provoque la jouissance féminine. Sa face antérieure correspond à ce que l’on appelait autrefois le point G. Il n’y a donc pas de plaisir vaginal ou clitoridien, comme on avait tendance à le penser, mais tout simplement plusieurs formes de plaisir. De fausses informations circulent en outre sur la virginité, ou plus précisément sur l’hymen, qui ne serait perforé que chez les femmes ayant déjà eu un rapport sexuel. Quant à la pilule, elle est à l’origine de rumeurs selon lesquelles elle rendrait stérile, ferait grossir ou encore favoriserait le cancer du sein. Le traitement hormonal de la ménopause, lui, alimente les peurs et les fausses croyances. Or il faut rappeler que le THM n’est pas prescrit uniquement pour réduire les bouffées de chaleur, la fatigue ou les insomnies. Il permet d’éviter la sécheresse intime et, surtout, il est efficace pour protéger le cœur, les os et le cerveau des femmes ménopausées.
Qu’est-ce qu’un livre comme le vôtre peut apporter comme solutions aux femmes que l’on ne peut trouver sur internet ?
La lectrice y trouve une information complète, mais surtout personnalisée. Ma démarche est d’accompagner, de rassurer et de donner des solutions aux problèmes posés, car le discours des médecins ou les résultats d’analyses ou d’examens ne sont pas toujours faciles à décrypter. Je m’adresse à elle comme si c’était l’une de mes patientes. Je lui explique les traitements possibles et leurs différentes options en fonction de chaque cas. Étant donné qu’il y a trop peu de gynécologues en France, la consultation de ce livre peut permettre d’obtenir la réponse à une question précise ou bien d’être alertée sur un réel danger et la nécessité de voir rapidement un médecin. Elle n’a donc pas besoin de cliquer des dizaines de fois sans être sûre de la fiabilité des sources qu’elle consulte en ligne. Il y a, de plus, des questions que l’on n’ose pas poser ou des réponses que l’on ne sait où chercher, alors que dans le livre les questions et les réponses s’enchaînent, l’une en amenant une autre. Il suffit alors de tourner les pages pour satisfaire sa curiosité, apprendre à mieux connaître son corps et à prendre soin de sa santé.
La vie intime des femmes, d’Anne de Kervasdoué, Odile Jacob, 544 pages, 26 euros.