Les incivilités et agressions envers les agents des services publics et les élu(e)s sont en forte hausse. Face à cette recrudescence, les administrations et collectivités cherchent des solutions pour protéger leurs employé(e)s tout en améliorant la relation avec les usager(ère)s. Deux récentes études et des initiatives gouvernementales apportent un éclairage sur les causes et pistes de résolution de ce problème de société. On vous en parle dans notre nouvelle revue de presse.
Une montée inquiétante des violences et incivilités
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2021, plus de 35 000 professionnel(le)s de santé ont été agressé(e)s, 12 000 actes d’incivilité ont été enregistrés par les agents des Caisses d’allocations familiales (CAF), et Pôle Emploi a constaté une augmentation de 20 % des violences entre 2020 et 2023. Les élu(e)s ne sont pas épargné(e)s non plus, avec 1 835 procédures judiciaires pour atteintes enregistrées en 2022, en hausse par rapport à l’année précédente.
Face à cette escalade, des initiatives isolées comme des formations pour les agents ou des campagnes de sensibilisation auprès des usager(ère)s ont vu le jour. Mais ces efforts restent fragmentés et insuffisants pour faire face à l’ampleur du phénomène.
Un plan national pour protéger les agents publics
Pour répondre à cette crise, le ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a présenté en septembre 2023 un Plan national de protection des agents des services publics. Ce plan se structure autour de trois axes :
- La mise en place d’un baromètre annuel pour mesurer les violences subies par les agents.
- Un inventaire des moyens à mobiliser pour garantir la sécurité des fonctionnaires.
- Des mesures facilitant le dépôt de plainte en cas d’incivilités.
Bien que ces mesures soient un premier pas vers une meilleure protection, elles ne s’attaquent pas aux causes profondes de cette animosité des citoyen(ne)s. Plusieurs chercheurs ont tenté de comprendre pourquoi les usager(ère)s deviennent agressifs(ves) lorsqu’ils/elles interagissent avec les services publics.
Comprendre et prévenir la colère des usager(ère)s
Des études récentes montrent que l’émergence des incivilités est souvent liée à la frustration des usager(ère)s face à la non-atteinte de leurs objectifs, comme l’obtention d’un remboursement ou la résolution rapide d’un problème administratif. Cette frustration est exacerbée par un sentiment de manque de contrôle sur la situation et par la perception d’une injustice, notamment en raison des délais de traitement allongés ou d’un service jugé inefficace.
L’analyse de ces comportements émotionnels met en lumière la nécessité de former les agents à mieux gérer les interactions avec les usager(ère)s. Il est essentiel de restaurer chez l’usager(ère) un sentiment de contrôle et de réduire son incertitude quant à la résolution de son problème. Des formations en communication, gestion des conflits et écoute active pourraient être bénéfiques pour anticiper et désamorcer les situations tendues.
L’intelligence artificielle : un soutien pour les agents
Au-delà des formations, l’utilisation de technologies comme l’intelligence artificielle (IA) pourrait également aider à apaiser les tensions. Depuis son introduction dans les services publics en octobre dernier, l’IA a permis de réduire les délais de réponse, passant de 7 jours à 3 jours pour certaines démarches administratives. Les agents peuvent ainsi se concentrer sur les interactions humaines tout en offrant un service plus rapide et efficace. Le taux de satisfaction des usagers a atteint 74 %, et 70 % des agents voient cette innovation d’un bon œil.
L’IA, en se chargeant des tâches administratives répétitives, laisse donc plus de temps aux fonctionnaires pour l’accompagnement des usager(ère)s, réduisant ainsi potentiellement les incivilités.
Si des plans de protection et des technologies comme l’IA apportent des réponses, une meilleure compréhension des causes de la frustration des usager(ère)s et une formation adaptée des agents sont essentielles pour prévenir ces comportements agressifs. La clé réside dans une gestion plus humaine et empathique des relations entre services publics et citoyen(ne)s, tout en tirant parti des innovations technologiques pour fluidifier les interactions.
Julia Rodriguez